CONGRÈS DÉPARTEMENTAL À BROCAS

14 OCTOBRE 2023

Récit de voyage de mémoire par deux élèves
du lycée Charles Despiau de Mont de Marsan

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Combattre cette ignorance, transmettre la mémoire quoi qu'il en coute, voilà un idéal, et c'est dans cette optique que, en avril dernier, nous sommes partis dans les Flandres, ma classe et moi. Ce séjour, long d'une semaine, et aussi éloquent qu'un discours de parent ancien poilu, nous a permis de découvrir différents lieux de mémoire et de nous rendre compte, entre autres, de la violence et de l’étendue géographique de la 1ère guerre mondiale.

En premier lieu, nous avons traversé la Somme, de Amiens à Arras, chacune des collines et des terres agricoles conserve ses cicatrices de la Grande Guerre que les élevages et les moissons n'arrivent pas à effacer. Ce passé, terrible, se vérifiait à l'entrée des communes.
À chaque village, son cimetière militaire. (Ils rassemblent des combattants de toutes nationalités, et témoignent du caractère international de ce conflit.) Avec 1,2 millions de morts, blessés et disparus, la bataille de la Somme marque l’affrontement le plus sanglant de la Grande Guerre. Aujourd'hui, cette région regroupe pas moins de 410 cimetières du profCommonwealth, 13 nécropoles allemandes et 20 nécropoles françaises. Nous nous sommes recueillis dans certaines, nous en avons aperçus d’autres et toutes nous rappelaient la barbarie, cette immense cruauté décrite dans les chapitres d'histoire.

Puis, nous avons séjourné à Arras et découvert le pays d’Artois, encore un haut lieu de l’histoire de France. Notre première visite fut pour la carrière Wellington. De novembre 1916 à mars 1917 au sud-est d’Arras, 500 tunneliers Néo-Zélandais, ayant traversés le globe, aménagent et relient un vaste réseau de galeries souterraines. L’objectif est clair : se rapprocher des lignes ennemies et le surprendre.

Ainsi, le 9 avril 1917 à 5 h 30 heure anglaise, après avoir cohabité une semaine à vingt mètres de profondeur, 24 000 soldats britanniques jaillissent des tunnels et surprennent les premières lignes allemandes. Cet assaut épique et valeureux marque le début de la Bataille d’Arras. Toutes les forces du Commonwealth y sont mobilisées jusqu’au 17 mai sur une ligne de front de plus de 20 kilomètres. En immersion dans ces galeries bien conservées par le musée, nous avons découvert les difficiles conditions de vie de ces hommes qui vécurent à tour de rôle, 6 mois sous terre, … ces mêmes hommes qui, délaissant leur famille, sont venus des antipodes pour soutenir leurs alliés français.

Ensuite, nous avons suivi les chemins du souvenir vers Notre-Dame de Lorette et l’anneau de la mémoire. Le plateau de Notre-Dame de Lorette est un poste stratégique occupé en 1914 par les Allemands. Dès le mois de décembre de cette année, les combats font rage. Notre-Dame de Lorette est reprise par les Français en mai 1915 et la Crête de Vimy le sera par les Canadiens en avril 1917.

C'est une hécatombe. 200 000 hommes de 40 nationalités différentes tombent sur ce plateau. Alors, dès 1920 c'est l'endroit choisit pour la construction de la plus vaste nécropole militaire de France (42 000 soldats), miroir du sacrifice, consenti par la nation française, pour la défense de son territoire. Nous avons été accueillis et renseignés par les gardes d’honneur, des bénévoles qui donnent régulièrement une journée de leur temps afin de veiller sur la nécropole et d’accueillir les visiteurs en ce lieu de mémoire unique.

L’anneau de la mémoire, mémorial contemporain, inauguré le 11 novembre 2014 sur le site de la Nécropole Notre-Dame de Lorette, est une immense ellipse gravée de 580 000 noms, ceux des soldats morts sur les terres des Hauts de France, pendant la Grande Guerre. Symbole de paix international et inspiré du Mur-Mémorial à Washington, cet anneau rappelle que près de 40% des soldats de la Grande Guerre n’ont pas de tombe identifiée car aucun corps n'a été retrouvé. Grâce à ce monument, le nom de ces morts est conservé, commémoré et respecté et ce du premier nom gravé, celui d’un marin népalais, jusqu'au dernier, celui d’un soldat allemand. Nous avons tous cherché si le nom de l’un de nos aïeux s'y trouvait inscrit, toutes les familles ayant été touchées lors de ce conflit.  Ainsi, Mme Tanguy Le Jossec, une des professeurs qui nous a organisée le voyage et accompagnée, nous a montré le nom gravé de son arrière grand-oncle, tombé sur les Terres des Hauts de France, puis nous a lu une lettre et parlée, avec une touchante intimité, des faits d’armes de son arrière-grand-père, chevalier de la légion d’honneur, blessé par 3 fois dans la Somme.

Ce moment, d'une profonde sincérité, fut sans doute l'un des plus émouvant de notre périple. L'émotion, la fierté et la volonté de partage qu'exprimait sa voix, ses yeux, ses gestes révélaient un instant de profonde sincérité, un sentiment indicible, comme hors du temps... memorial

Enfin, notre journée s’est terminée au mémorial de Vimy, qui surplombe la majestueuse plaine de Douai et le bassin minier. Ce mémorial indique l'emplacement des combats dont les Canadiens tirent le plus de fierté. Sur le socle du Monument, est gravé dans la pierre, en français et en anglais, la phrase, glorieuse et immaculée, suivantes :

A LA VAILLANCE DE SES FILS PENDANT LA GRANDE GUERRE, ET EN MEMOIRE DE SES SOIXANTE MILLE MORTS, LE PEUPLE CANADIEN A ELEVE CE MONUMENT.

Sur les parois du Monument, sont inscrits les noms de onze mille deux cent vingt-cinq soldats canadiens "manquant à l'appel et présumés morts" en France. Une multitude d'arbres et d'arbustes Canadiens ont été plantés pour rappeler les bois et les forêts du pays, entrer sur ces terres, c'est ressentir le Canada. Autour du Monument, des tranchées et des tunnels parfaitement restaurés sont présents. Le plus marquant reste les sillons de terre, les boursouflures disgracieuses du sol car plus de 100 ans après la fin du conflit, le paysage reste un témoin privilégié de la violence inouïe des combats.

En une seule journée, nos enseignants avaient réussi à nous transmettre la mémoire et les valeurs républicaines des hommes et femmes qui ont défendu le territoire national et ses idéaux.  

Et ils ne se sont pas arrêtés là. Lors de notre périple, nous avons traversé la région de Ypres, haut lieu de bataille de l’Yser. C’est ici que nous avons visité le cimetière allemand de Vladso regroupant 25.000 soldats. Ici, c’est la nature sereine qui nous accompagne. L'herbe, sur un terrain incliné, verte et rase comme une plaine irlandaise, laisse quelques chênes sombres et austère nous ont interpellés. Ici, Pas de croix mais des stèles noires, incrustées dans le sol, chacune avec 10 noms. Deux sculptures, des statues, représentant un couple de parents dans la douleur, obligent au respect et au recueillement.

Enfin, c’est à Dunkerque, que s’est achevé le volet historique de notre voyage. Durant une visite guidée de 2 heures à bord de notre autocar, un guide nous a fait revivre l’Opération Dynamo. Les détails de cette évacuation, ainsi que ses causes et conséquences nous ont été exposés tout au long du parcours. Parcours, qui nous a menés aux plages de l’évacuation, à la Jetée Est, au centre-ville reconstruit, au Little Ship Princess Elizabeth, et au Mémorial Britannique. Près de celui-ci, se trouve la nécropole nationale de Dunkerque regroupant les dépouilles de soldats morts pour la France durant leur hospitalisation dans les hôpitaux proche de Dunkerque entre 1914 et 1918.  Mme Tanguy Le Jossec, toujours dans ce partage y a fait une petite incursion avec quelques élèves, afin de se recueillir sur la tombe de son arrière grand-oncle, un jeune breton tombé en 1914 que personne n’était jamais venu voir, en ce lieu si éloigné de sa terre natale.

L'Histoire nous avez décrit ces situations, elle nous avait parlé de ces milliers de morts, de ces veuves affligées, de ces sœurs consternées, de ces familles déchirées ; nous l'avons appris, nous le savions. Mais nous, jeunes lycéens, lorsqu'à l'entrée de ce gigantesque cimetière militaire, les rangées semblaient interminables et les croix innombrables, que nous les traversions, lentement, en lisant chacune des plaques, en relevant chacun des noms et des grades, puis lorsque nous sortions calmes et bouleversés de ce tombeau immense, et qu'un silence de commémoration s'imposait; ce qui ne semblait alors qu'être un nombre gigantesque appris par cœur au collège, une abstraction mal appréciée, devenait ostensiblement une réalité terrible. A la connaissance, la conscience s'est imposée.

Je me souviens de l'atmosphère du bus après chaque arrêt, je me souviens aussi des pensées qui revenaient en boucle. Pensées partagées et cultivées, avantages d'un voyage scolaire, pensées vécues au même moment, avantage d'être accompagné, pensées qui nous exhortait tous à agir, à se battre pour une paix durable et souveraine, à un "plus jamais ça".  En fait ces visites nous ont montré que l’histoire doit être au cœur de l’apprentissage civique des générations futures car la citoyenneté fait partie de ce devoir de mémoire et chaque citoyen doit connaître et sauvegarder l’héritage des anciens combattants. Rien ne doit être oublié, pour ne pas répéter les erreurs, pour ne pas que le passé fonde dans la rêvasserie.

 

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